Histoire inspirée du "dictionnaire historique de toutes les communes du département de l'Eure"
par M. Charpillon et M. l'abbé Caresme, 1868
St-Pierre-de-Bailleul est un village très ancien, assis dans une étroite et plantureuse vallée. C'était, dès l'invasion normande, le centre d'un vaste domaine possédé par l'abbaye de St-Ouen.
L'église, fondée par les religieux, fut placée par eux sous l'invocation de St Pierre et St Paul, patrons de leur maison, avant qu'elle prit le nom de St-Ouen.
Les premiers ducs normands englobèrent dans leur domaine particulier St-Pierre-de-Bailleul et les territoires d'alentour; ce fut le duc Richard II, qui rendit à St-Ouen, en 1026, l'église de Bailleul avec toutes ses dépendances. Vers la même époque, Drogon de Bailleul augmenta les domaines des religieux de St-Ouen, en leur donnant avec des près et des moulins, les meilleurs vignobles du pays.
Dans un vaste terrain attenant à l'église, s'éleva alors un manoir, des granges, des étables, où une colonie de religieux venus de Rouen, vint se fixer pour hâter le défrichement des terres, et les mettre en culture. Ainsi fut fondé le prieuré de Bailleul.
A côté des religieux, existait une famille de Bailleul qui possédait un fief dans la paroisse de St-Pierre-de-Bailleul. Philippe-Auguste étant à Pont-de-l'Arche, du 15 au 20 avril 1218, atteste que Guillaume de Bailleul a cédé à Beaudouin son beau-frère, et à Philippe son neveu, la terre qu'il tenait du roi à Bailleul. Ce Guillaume de Bailleul cautionna le célèbre Cadoc châtelain de gaillon, 100 l. Eudes Rigaud, archevêque de Rouen de 1248 à 1275, visita souvent le prieuré de Bailleul, mais les religieux n'y étaient plus représentés que par un gardien. Dans "Regestrum visitationum archiepiscopi rothomagensis", le journal des visites pastorales d'Eudes Rigaud, l'archevêque stipule à plusieurs reprises que le prieuré n'était pas en mesure de le recevoir et que la maison était peu entretenue.
Pendant les XIIe et XIIIe siècles, l'abbaye de St-Ouen s'enrichit de nombreuses acquisitions et donations qui lui furent faites à St-Pierre-de-Bailleul, par Robert Le Maréchal, Guillaume Le Prêtre, Mathilde de Roz, Pétronille de Bailleul, épouse de Robert Mauquenchy, Pierre du Moulin, Pierre de l'Orme, Robert de Bailleul et autres. Cette charité fut favorisée par les premiers pélerinages à ND-de-Grâce de St-Pierre-de-Bailleul qui eurent un grand retentissement spirituelle sur toute la contrée. On dressa en 1262, un état des revenus qui appartenaient au manoir de Bailleul. Chaque arpent d'avoine devait 12 boisseaux sans les accessoires qui étaient de 8d. et 2 chapons à la St Remy, 6d. à Noël et 6d. en mars, au moment de semer les avoines.
ND-de-Grâce à Bailleul est sûrement le plus ancien des sanctuaires consacrés à la Ste Vierge du diocèse d'Evreux; il était si important dès le commencement du XIIIe siècle, que la paroisse fut désignée sous le nom de Grâce ; l'église prit le nom de ND de Grâce. Le domaine des religieux, à Bailleul, fut alors désigné sous le nom de baronnie de la Grâce. De tous les pays voisins, du Vexin, de l'Evrecin, les fidèles venaient en foule rendre leurs hommages à ND de Grâce. Aux XIVe et XVe siècles, les dons et les fondations affluèrent de toutes parts.
A la suite d'un voeu, le grand cardinal d'Amboise (portrait ci-contre) fit ériger 3 statues dans l'église de Grâce; l'une représente le roi Louis XII, une autre la reine de Bretagne, et la troisième le cardinal lui-même. Bientôt, le second cardinal d'Amboise et l'Abbaye de St-Ouen se réunissent pour faire construire en l'honneur de Ste Marie, la belle église à 3 nefs que nous voyons aujourd'hui.
Ce monument, quoique dégradé par le temps et la main des hommes, garde encore des traces de sa première splendeur.
La nef sud consacrée à ND de Grâce, a un portail en ogive, orné de figures du siècle de François Ier. Jean de Hangest, seigneur de Senlis, qui mourut en 1489, est un des bienfaiteurs de l'église de St-Pierre-de-Bailleul.
Au XVe siècle, on achetait des rentes de vin à perpétuité, un coque de vin vermeil de St-Pierre-de-Bailleul, valait 10 l. t.
L'abbaye de St-Ouen donna à bail, le 2 mai 1521, à Me Richard Ferey, prêtre, la ferme, l'autelage, les usufruits, les agneaux, les cochons, et veaux de la baronnie de la Grâce. Pareil bail fut consenti pour 4 ans, à partir du 20 juillet 1551, à Jean Beaufour et François Lecomte; par une transaction de la même année, les religieux donnent au curé, le 6e de toutes les dîmes.
En 1606, la duchesse de Penthièvre donne à l'église de St-Pierre-de-Bailleul, une cloche que le cardinal de Joyeuse, alors archevêque de Rouen, bénit lui-même (c'est le cardinal de Joyeuse qui sacre Marie de Médicis en 1610, voir peinture ci-contre). Le 7 mai 1626, David Le Roy, procureur au Présidial d'Andely, donna par testament au trésor de l'église de Bailleul, 250l. pour célébrer une messe tous les 15 jours.
En 1685, Catherine de la Mare, femme de Me Jean Le Maignien, ancien procureur au Parlement de Rouen, Pierre et Paul Le Maignien, leurs enfants et leurs servantes de la paroisse de St-Vincent de Rouen, viennent à Bailleul pour y adjurer les erreurs de la Réforme, entre les mains du curé de la Grâce.
Le 16 septembre 1768, Jean-François Bachelet, négociant à Rouen, fonde à St-Pierre-de-Bailleul, une école de filles, tenue par des soeurs des écoles chrétiennes.
L'abbaye de St-Ouen conserva son domaine de St-Pierre-de-Bailleul, jusqu'à la Révolution.
Il existait dans l'église, une confrérie du St-Rosaire, qui fut fondée en 1638, et qui fut enrichie par les libéralités des habitants du pays.
Dépendances de St-Pierre-de-Bailleul: Le Bas-Moussel, le Bout-aux-Bardels, le Bout-aux-Petits, la Boutinaie, le Bray, le Clos-Varon, La couture, Dormont, le Goulet, le Grand-Moulin, le Haut-Moussel, le Moulin-Viard, Notre-Dame-de-Grâce, la Place-de-la-Grâce.